Vallée de l’Antenne
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Louis Auguin et les amis saintongeais de Courbet

Autour de Courbet en Saintonge, par Gilles Chapacou

Le parcours de Gustave Courbet (1819-1877), l’un des plus célèbres artistes peintres français, se passe de longs commentaires. Chef de file de l’école réaliste, en prenant position contre les sujets religieux, mythologiques, historiques, littéraires ou abstraits, il a laissé une œuvre considérable dont on peut retrouver les témoignages dans les plus grands musées du monde. Celui d’Orsay, à Paris, possède quelques-unes de ses toiles les plus marquantes : Un enterrement à Ornans, La rencontre, l’Atelier du peintre, ou encore l’Origine du monde. A cette activité artistique, s’est ajoutée celle d’un homme aux convictions politiques républicaines solidement établies, au point qu’il fut élu membre de la Commune de Paris en 1871.
Excepté la Franche-Comté natale qui a constitué son principal réservoir d’inspiration, la Saintonge, parmi les régions de France où il s’est rendu, a particulièrement marqué Gustave Courbet. Elle marque une parenthèse dans son œuvre. Fin mai 1862, à l’invitation d’amis, il se rend en Saintonge pour une semaine, et réside à Saintes. L’accueil chaleureux qu’il y trouve le détermine à rester une année. Pendant ce séjour, il donne libre cours à sa nature dionysiaque et se livre, comme il ne l’avait jamais fait, à tous les genres de la peinture. En août, Jean-Baptiste Corot vient le rejoindre et son passage donne lieu à une étonnante confrontation entre les deux artistes.

A l’automne 1862, Courbet s’installe non loin de Saintes, à Port-Berteau, commune de Bussac, sur les rives de la Charente. Il y retrouve ses élèves Louis-Auguste Auguin (1824-1903) et Hippolyte Pradelles (1824-1913). Avec eux , il multiplie les pochades (petits tableaux exécutés prestement, en quelques coups de pinceau) sur le motif, et cette production, qui donne lieu début 1863 à une exposition à la mairie de Saintes, suscite une véritable vision saintongeaise.
C’est sur cette expérience collective du plein air, que l’accent s’est principalement porté. Courbet, " le Passeur de Port-Berteau ", transmet à ses camarades l’énergie, l’engagement dans la franchise gestuelle et la recherche d’une peinture préoccupée par les valeurs de tons. Héros sacrilège vivant de la transgression des interdits, il exerce aussi dans le paysage un travail de sape systématique à l’égard des traditions. Bousculant toutes les règles admises, l’artiste voit dans l’épanouissement de la matière et le culte de la sensation, les conditions de la liberté.

Auguin ne cessera de peindre des paysages entre la côte atlantique (Charente-Maritime, Bordelais, Landes), et la région poitevine, en passant par le Cognaçais (vallées de la Charente et de l’Antenne, parc de Cognac…). D’ailleurs, même établi à Bordeaux, il n’oubliera jamais les environs de la Charente où chaque année il reviendra avec sa femme, et qui continueront à l’inspirer.
De même, hormis son activité dans la région charentaise, Pradelles sillonna le Bordelais et peignit maintes fois les rives de l’océan, aussi bien du côté des Landes qu’aux environs de Royan.
Bénéficiant des leçons de Courbet, tous les deux s’installèrent à Bordeaux en 1863, créèrent chacun un atelier et développèrent avec leurs élèves une école de paysage du Sud-Ouest.

De nombreux autres artistes gravitèrent autour de ces trois grands inspirateurs. Parmi eux, citons Amédée Baudit, Léonce Chabry, Paul Sébilleau, Louis Cabié, Jean Cabrit, Georges Mignet, René Hérisson… Le séjour de Courbet en Saintonge et sa rencontre avec Auguin et Pradelles ont donc été déterminants pour constituer, sinon une école, du moins un foyer du paysage des Charentes dans la seconde moitié du 19ème siècle. A ce titre, Port-Berteau peut s’enorgueillir d’avoir été le point d’ancrage de cette intense activité artistique.

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Sources : catalogue de l’exposition Autour de Courbet en Saintonge (Musée de l’Echevinage à Saintes, 9 juin - 16 septembre 2007). N’oublions pas de citer également le remarquable ouvrage de Roger Bonniot, Gustave Courbet en Saintonge, paru en 1972 (Editeur : Librairie C. Klincksieck).

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