" Les premières lueurs de l’aube commencent à éclairer un paysage pétrifié par la froidure de la nuit. Une brume laiteuse, qui semble artificielle, recouvre la route et enveloppe les bas-côtés assombris par la lisiè re des bois. Dans la lumière des phares, brusquement, une forme mal définie semble glisser en émergeant du brouillard, saute sur le talus, se fige, fixe la voiture de ses yeux phosphorescents avant de disparaıt̂ re dans l’obscurité du taillis. Surpris, l’automobiliste se demande quel peut bien être ce curieux animal qu’il vient d’apercevoir, comme dans un rêve, avec une tête de fouine et des ocelles de panthère. Sans le savoir, notre témoin vient de surprendre un des animaux parmi les plus discrets de notre faune, la Genette commune.
En France, ce petit carnivore de la taille d’une grosse martre, vit principalement à l’ouest du Rhô ne et au sud de la Loire, notamment en Saintonge. On le rencontre également dans la péninsule ibérique et en Afrique, son berceau d’origine. Son nom proviendrait d’un mot espagnol, d’origine arabe, Jineta, mais aussi de genêt, plante qui pousse dans les milieux qu’elle semble apprécier.
Ce vivérridé est un animal mystérieux, qui aime les endroits rocailleux couverts d’ajoncs et de genêts, les milieux boisés, et les versants ravinés des cours d’eau. En Charente Maritime, ce viverridé est présent un peu partout.
Il dort le jour et se met en chasse dès le crépuscule. Il a la pupille étroite comme celle des chats et, comme eux, il se meut avec une extraordinaire agilité. Il a l’art de se faufiler, en flairant constamment, glisse dans les fourrés, grimpe dans les arbres dont il redescend la tête en bas. La Genette commune ravit par la grâce et l’élégance de ses mouvements. C’est une créature douce et peu agressive envers ses congénères.
Grande destructrice de rongeurs, elle chasse aussi les insectes et, comme elle nage bien, elle aime pêcher petits poissons et écrevisses. Lorsqu’elle a capturé une proie, elle la maintient à l’aide de ses membres antérieurs, en dévore une partie avant de jouer, la poussant de la patte à la manière des chats. Excitée par le jeu, elle se dresse sur ses pattes arrières, fait des bonds, le dos arqué, comme chez les blaireaux.
La Genette commune peut avoir deux portées par an, donnant naissance à deux, rarement trois petits qu’elle cache dans le creux profond d’un arbre, d’un rocher, ou bien encore dans un terrier de blaireau. Bien que ce soit aujourd’hui une espèce protégée, peu méfiante, elle a souvent été victime de pièges. Sa fourrure a longtemps été utilisée en pelleterie.
Aucun élément de cette espèce, n’ayant été retrouvé dans les fossiles du quaternaire, cela semble confirmer l’hypothèse d’une introduction lors des invasions arabes. Lorsque Charles Martel vainquit les Sarrasins à Poitiers en 732, il s’empara de nombreux vêtements ornés de sa fourrure, et institua l’Ordre de la Genette afin de récompenser la bravoure de ses seize plus valeureux chevaliers.
Dans l’ancienne Egypte, elle était élevée pour lutter contre les souris, et en Afrique, elle joue encore ce rôle de destructeur de rongeurs qu’elle jouait chez nous au Moyen-Âge. On peut en effet voir la genette sur la célèbre tapisserie de La Dame à la licorne au musée de Cluny. Ce n’est qu’à la fin du 15ème siècle qu’elle fut remplacée par le chat ; elle est alors retournée à ses genêts."
tiré d’une fiche de Serge Seguin